C’est avec stupeur et effarement que mardi 6 novembre, nous avons appris dans la presse que quelques-uns de nos chefs d’établissements s’étaient illustrés par leur présence dans un stage sur la gestion de crise organisé dans les Yvelines par la gendarmerie. Sud Éducation 95 condamne les dérives autoritaires et militaristes renforcées depuis l’arrivée de Jean-Michel Blanquer au Ministère.
Mardi 6 novembre, une quarantaine de chefs d’établissements et d’inspecteurs du 1er degré ont participé, au camp militaire de Beynes dans les Yvelines, à un stage sur la gestion de crise. Ayant pour objectif de préparer les personnels de direction aux attentats, aux tueries de masses et même à l’intrusion de parents violents, cette formation organisée par la gendarmerie nous a mis face à des images de chefs d’établissements se roulant dans la boue en treillis et se préparant à des exercices guerriers.
Cet événement s’inscrit dans un contexte extrêmement inquiétant qui laisse entrevoir de graves dérives dans la gestion des établissements et de la violence à l’école.
#PASDEVAGUE : LE MESSAGE N’EST TOUJOURS PAS PASSÉ
Ce stage médiatisé prend un sens tout particulier dans la séquence politique que nous vivons actuellement. Alors qu’avec le hastag #pasdevague, de nombreux-ses enseignant-e-s évoquaient il y a peu leur sentiment d’abandon par la hiérarchie face à la violence provoquée par la désagrégation du service publique d’éducation, de nombreux éléments nous laissent entrevoir une récupération réactionnaire du malaise des personnels. Hasard du calendrier ou dynamique de fond, nous assistons ces jours-ci à une multiplication de signes tout à fait inquiétants : présence policière dans les établissements, gendarme nommé comme adjoint au Lycée Utrillo de Stains (93), uniforme scolaire à Provins, rétablissement du service militaire via le Service National Universel… Et maintenant stage militaire pour les chefs d’établissements.
Pour beaucoup de ces initiatives, il semble clair que ce sont bien les classes populaires qui sont considérées comme dangereuses. Le mécontentement serait-il tel qu’il nécessiterait cette approche martiale pour le contenir ?
TERRITOIRES PERDUS, RECONQUÊTE RÉPUBLICAINE…
L’ÉCOLE N’EST PAS UN CAMP MILITAIRE !
Le traitement des attentats de 2015 avaient déjà suscité des discours offensifs contre nos élèves dans les quartiers populaires. Mais depuis plusieurs mois, la machine est remise en route et l’on assiste à un matraquage assurant la promotion de thématiques autrefois réservées à l’extrême droite. On entend parler de territoires perdus, de reconquête républicaine, il faut chanter la Marseillaise dans les écoles… Ce climat nauséabond laisse entrevoir quelle sorte d’école l’État entend développer : une école anti-pauvres, civilisatrice et accusatrice à l’égard des d’immigré-e-s et de leurs descendant-e-s.
D’ailleurs, ce stage illustre parfaitement cette stratégie de militarisation de la gestion des inégalités sociales en mettant sur le même plan la gestion de potentielles attaques terroristes et celle de d’élèves ou de parents violents. Le Parisien relève la parole d’un Principal sur son site : : « On est de plus en plus amené à gérer des crises : un élève qui craque, des parents intrusifs. Même en exercice, avec Vigipirate et le Plan particulier de mise en sûreté face aux risques majeurs, les angoisses remontent et des gens craquent. Cette formation va nous aider à trouver les réactions les plus adaptées. » Aucun doute qu’une journée en treillis à poser avec un regard noir et faire un footing leur permettra de mieux gérer les crises.
En tant que syndicalistes, nous ne pouvons que faire le parallèle entre cette confusion et la répression toujours plus féroce et violente des mouvements sociaux depuis plusieurs années. De plus en plus, l’État semble considérer les classes populaires et les militant-e-s comme des ennemies intérieurs.
MASQUER LES ORIGINES DES INÉGALITÉS ET LES EFFETS DES POLITIQUES D’ÉDUCATION
Ne nous y trompons pas, cette agitation guerrière n’a pas pour seule fonction de mettre au pas les personnels, les élèves et leurs familles. Cette grande opération de diversion permet également de détourner le regard des politiques gouvernementales désastreuses pour les classes populaires. De même, elle allume une fois encore un contre-feu permettant d’invisibiliser les dernières réformes qui à coup sûr dégraderont encore nos conditions de travail et la capacité pour les élèves des classes populaires à bénéficier d’une éducation égalitaire et émancipatrice :
- Suppressions de postes dans l’éducation et les services publiques en général
- Réforme Blanquer (mise en concurrence des établissements et des personnels, méritocratie…)
- Casse annoncée de l’éducation prioritaire
- Réforme du BAC
- Réforme du Lycée Professionnel
- Sélection et tri social à l’Université avec Parcoursup
Ces quelques exemples montrent qu’il est clair que le Ministère a pour priorité de faire des économies sur l’éducation et de continuer la casse des services publiques dans le but d’assurer la transition vers les logiques de concurrence et de mérite développées dans le privé.
Pour Sud Éducation 95 :
- La police, l’armée et les entraînements militaires n’ont pas leur place à l’École !
- Nous exigeons le retrait de ce stage du plan de formation des personnels de direction
- Nous continuerons à combattre les réformes antisociales dans l’éducation
Sud Éducation 95 lutte pour :
- Des créations de postes et l’attribution de véritables moyens dans l’Éducation Nationale pour améliorer les conditions de travail et le taux d’encadrement des élèves
- Une école émancipatrice favorisant la coopération tant entre adultes qu’entre enfants et une école débarrassée de la concurrence et du tri social