Cette CAPA traite des recours formulés par les personnels à l’issu de leur rendez-vous de carrière.
Les recours
Premièrement, le fait que le premier recours a donné lieu au renvoi de lettres types aux collègues est discutable. Cela renvoie aux collègues une image rigide de l’administration qui ne prend même pas le temps de personnaliser sa réponse. Les plus courageux auront bien compris qu’il fallait saisir la CAPA et encore une fois perdre du temps à argumenter sur l’avis final ou sur les détails portés à leur connaissance par les évaluateurs.
Deuxièmement, la lourdeur des actions à entreprendre pour faire un recours a dissuadé plus d’un collègue pour effectuer cette opération. Sans compter la peur légitime qui peut être ressentie de devoir se plaindre de la justesse d’appréciation d’un chef d’établissement ou d’un inspecteur, surtout si ceux-ci restent à leur poste et peuvent alors facilement engager des représailles pires parfois que l’objet initial de la plainte.
Troisièmement, le sujet des recours porte peu sur des aberrations écrites par les évaluateurs. Mis à part une remarque sur la composition familiale d’une collègue – ce qui est déplacé et inacceptable – il n’y a pas de contestation sur des abus qui en apparence semblent limités.
La plupart des recours portent sur le manque de reconnaissance induit par le pourcentage de promouvable préalablement sélectionnés par l’avis final. Ainsi, il apparaît que l’avis final ne tient pas compte de l’évaluation, mais du nombre de promotions possibles. Beaucoup de collègues réclament par leur recours la reconnaissance qu’ils pensent mériter en lisant leur compte rendu et les compétences cochées. On voit bien que l’évaluation par compétences a ses limites lorsqu’il s’agit d’opérer un tri.
Il faut noter aussi que les appréciations tiennent souvent compte de la séance observée par l’inspecteur ou de l’année en cours pour le chef d’établissement. Nous pensions que l’objet évalué était la carrière, nos collègues aussi semble-t-il.
Par ailleurs, le jugement des inspecteurs est souvent vécu comme une humiliation. Il ne prend pas en compte le travail quotidien des enseignants, qui ne saurait se limiter à la production du cours qui satisferait l’inspecteur selon la réforme ayant cours au moment de l’inspection ou de la lubie dite innovante du moment.
Le rendez-vous de carrière
Le rendez vous de carrière s’inscrit dans la continuité des réformes des missions et des obligations réglementaires de service des enseignant-e-s, qui imposent toujours plus de tâches et de missions sans réduction du temps d’enseignement.
C’est un moyen de pousser les personnes à faire des tâches annexes, chronophages et lourdes, sans décharge de service ni indemnités. Aux yeux de l’institution, ce bénévolat mérite bien une carrière accélérée ! On valorise la soumission à des politiques éducatives non discutées plutôt que la qualité du service public d’enseignement. Un enseignant qui fait juste son travail et bien son travail a peu de chances d’obtenir une accélération de carrière. C’est sûrement la limite de l’évaluation au mérite, qui risque de pousser au découragement.
Au final, c’est la même logique que le système de notation précédent, mais en plus injuste, inégalitaire et plus opaque. La grille nationale d’évaluation définit onze compétences, dont six ne sont pas en lien avec l’enseignement d’une discipline. Les IPR et les chefs d’établissement vont évaluer des compétences comme la « coopération au sein d’une équipe », la « contribution à l’action de la communauté éducative », le fait d’agir « en éducateur responsable et selon des principes éthiques » ou de « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel »… Ces compétences relèvent de dimensions comportementales et relationnelles et dépendent du contexte.
De plus, ce système crée de la concurrence et des ambiances de travail délétères entre les personnels qui se demandent pourquoi untel ou unetelle est plus « méritant·e» que tel·le autre. L’accès à la classe exceptionnelle va dans le même sens en divisant les personnels qui se sentent tous aussi exceptionnels que les promu·e·s ! En définitive, cela laisse le pouvoir au chef de service (chef d’établissement…) de décider de qui a une promotion… ou pas, renforçant ainsi les logiques clientélistes.
Évaluation inégalitaire
Avec ce système, on peut s’attendre à ce que les femmes soient à nouveau pénalisées, puisqu’elles prennent plus que les hommes des congés parentaux. Outre que la mise en place de la classe exceptionnelle, réservée à seulement 10% des enseignant·e·s, augmente l’écart de rémunération maximale en fin de carrière, ce nouveau grade renforce les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Alors que les femmes sont sur-représentées dans l’enseignement, lorsqu’il s’agit de la classe exceptionnelle cette féminisation disparaît.
Les enseignantes seraient-elles moins méritantes, moins investies que leurs homologues masculins ? Par ailleurs, si une personne manque le rendez-vous de carrière (arrêt-maladie ou congé maternité), il n’y a pas de possibilité officielle de rattrapage. Dans ces conditions, quand l’administration se donnera-t-elle les moyens de réduire vraiment les inégalités qui touchent les collègues ayant des carrières hachées, notamment les femmes ?
SOLIDAIRES avait voté contre le PPCR, SUD éducation aidera tous les collègues qui nous sollicitent à rédiger leurs recours et les incitera à le faire. Nous soutiendrons également ceux qui refuseront de participer à cette « mascarade ». En effet, le nombre d’avis excellents est choisi au plus près de l’avis final qui sera porté par la Rectrice. L’avis rendu ne correspond pas à la valeur évaluée du travail fourni par le personnel, mais à un classement à la discrétion des évaluateurs. Les commissaires paritaires n’auront pas d’éléments signifiants qui pourraient montrer la gradation et justifier le classement qui donne lieu à un avancement plus rapide.
De toute façon, 70% des collègues avancerons à l’ancienneté et ne se sentirons pas reconnus pour le travail qu’ils ont fourni. Parmi eux, beaucoup vont ralentir la cadence. L’évaluation au soit disant mérite a déjà fait la preuve dans le privé qu’il ne motivait pas les salariés. Par contre, il reste un moyen de pression auprès des collègues qui y croient encore.
Alors que certaines organisations syndicales se félicitent encore de cette réforme, SUD éducation revendique:
- l’égalité salariale et des augmentations générales des salaires,
- une évaluation coopérative et purement formative déconnectée de l’évolution des rémunérations plutôt qu’une mise en concurrence des collègues,
- une réduction du temps de service permettrait concertation et échanges pédagogiques.