Le 9 décembre, Blanquer s’adressait aux lycéens et lycéennes pour promouvoir sa réforme qui donnerait « plus de choix pour mieux réussir », choix devant « être guidés par leurs passions et leurs centres d’intérêts ». Quelques mois plus tard, en pleine préparation de la mise en place de la réforme, nous nous rendons compte que nos élèves du Val d’Oise ne choisissent pas leur spécialité suivant ces critères, ni même en fonction de leur projet d’avenir.
Des pressions sur les élèves
Plusieurs proviseur-e-s des lycées reçoivent dans leurs bureaux les élèves pour les dissuader de choisir telles ou telles options. Dans d’autres établissements, des « triplettes » sont pré-définies et les élèves sont bloqué.e.s dans ce cadre. Un quatrième vœu est demandé pour moduler les triplettes qui ne seraient pas jugées pertinentes par les chef-fe-s d’établissement.
Des discriminations territoriales
En réalité, nos élèves « choisissent » leur spécialité suivant leur lieu de résidence. En effet, toutes les spécialités ne sont pas présentes dans tous les établissements. Certains de nos élèves devraient doubler leur temps de trajet pour faire l’option désirée. Quand les élus d’un conseil d’administration interpellent, le 31 janvier, la député de la 9ème circonscription du Val D’Oise sur ce problème, on leur rétorque que cela va leur permettre « de gagner plus d’autonomie », pire encore que « la région sera amenée à améliorer les dessertes des transports publics », chose qui nous laisse perplexe dans le contexte actuel. De plus, nous savons que l’allongement du temps de transport est corrélatif avec l’échec scolaire. Alors combien de générations seront sacrifiées par cette réforme ?
Des inégalités entre établissements
Le choix des spécialités devra se faire suivant les contraintes d’emplois du temps des professeurs et des élèves. Afin de mettre en place plus facilement cette réforme, les chef-fe-s d’établissement présentent des « triplettes » pour conserver l’ancien modèle (ex : les spécialités maths-physique-chimie-SVT pour l’ancienne terminale scientifique). De cette façon, il leur sera plus facile de créer des emplois du temps. Ils-elles ont bien compris qu’ils-elles ne pourront pas demander à des enseignant-e-s d’être présent-e-s 6 jours sur 7 au lycée. Quand pourraient-ils–elles préparer les nouveaux programmes ? Ce n’est pas dans des établissements sous dotés en postes informatiques ou en salle de travail que cela peut-être possible. Enseignant-e-s, ne participons à cette stratégie qui permet d’installer la réforme du lycée !
Les spécialités des élèves se font suivant l’infrastructure de leur Lycée
Les chef-fe-s d’établissement vont devoir prendre en compte la disponibilité des salles. Beaucoup d’établissements dans le Val d’Oise sont déjà en sureffectif. Nombre d’élèves effectuent une partie de leur cours en préfabriqués dans des conditions de travail inadmissibles (problème d’insonorisation, de températures, etc…).
Le choix des spécialités est en réalité dicté par le jeu de la concurrence entre les professeurs, leur nombre et des choix arbitraire de la part du/de la chef-fe d’établissement. La réforme du lycée accroît la concurrence entre les disciplines. Des professeurs ont dû se mettre à faire la publicité de leur matière auprès des élèves de Seconde pour garder des heures, voire pour maintenir leur poste. Des élèves devront alors être sacrifiés pour sauver des matières. A l’inverse, beaucoup de nos élèves ont choisi l’option maths mais vu la grande difficulté de recruter des professeur-e-s dans cette discipline, il est facile d’imaginer qu’il va falloir limiter le nombre d’élèves choisissant cette option, au risque d’en avoir beaucoup trop sans professeur à la rentrée, cas encore plus problématique dans les quartiers populaires.
Une école de la sélection sociale
Les élèves continuent d’être classé.e.s dans des spécialités suivant leurs notes. Les trois spécialités scientifiques sont choisies par les meilleur.e.s élèves, qui sont aussi celles et ceux venant des familles les plus favorisées statistiquement. Dans son article du 18 avril 2019, Libération relève que sur un échantillon observé, 78 % des meilleurs élèves ont ainsi choisi maths, contre 23 % des élèves qui ont les moins bonnes notes. Toujours sur le même échantillon, les élèves qui demandent trois matières «hors science» ont une moyenne générale de 11,5/20, contre 13,2/20 pour les élèves qui demandent une triplette scientifique. Alors combien de générations seront encore trié-e-s socialement.
Des discriminations selon le sexe
Les élèves continuent d’être classé.e.s dans des spécialités suivant leur sexe. Jusqu’ici, les garçons étaient surreprésentés en S, les filles l’étaient en séries ES et L. En aucun cas, la réforme ne va changer les choses. Bien au contraire, la structure des choix de spécialités va renforcer la division par genre. Les garçons choisissent majoritairement les mathématiques, la physique chimie et la SVT et les filles les humanités, la littérature, les langues vivantes et les SES.
Tout est mis en œuvre pour mettre en place une réforme qui donne moins de liberté, moins de choix, moins d’accompagnement mais qui crée toujours plus d’inégalités, de concurrence et de tri social !
SUD ÉDUCATION 95 revendique l’abrogation de la réforme du lycée et du bac !