Courrier à la Rectrice et au DASEN sur les pressions observées pour la rentrée dans le 1er degré

À Argenteuil, le 4 mai 2020
À Madame la Rectrice de l’académie de Versailles
À Monsieur le DASEN du Val d’Oise

Objet : Inquiétudes des professeur-e-s des écoles et pressions hiérarchiques

Madame, Monsieur,

Depuis quelques jours, SUD éducation 95 a été contacté par de nombreux et nombreuses professeur-e-s des écoles concernant la réouverture des écoles primaires.

Nous attirons votre attention sur l’inquiétude profonde de ces personnels. Les directives contradictoires et évolutives plongent les personnels dans une anxiété importante, certains vont même jusqu’à réfléchir à la démission alors qu’ils ou elles insistent sur leur dévouement pour l’Education nationale. Tou-te-s ces professeur-e-s sont également inquiet-e-s pour leurs élèves. On leur demande de réfléchir à de nouvelles organisations, ce qui leur demande beaucoup de temps. Est-ce aux enseignant-e-s d’effectuer ce travail et cette réorganisation ? Quand le travail est effectué, il est remis en cause par de nouvelles informations. Nous nous interrogeons donc fortement sur la pertinence de ces demandes alors que le protocole sanitaire permettant d’envisager la reprise n’avait pas encore été communiqué dans sa version définitive. La charge de travail est donc de plus en plus lourde. Les personnels sont dans une grande souffrance face à cette incertitude la plus totale en ce qui concerne leur sécurité et celles des enfants et face au casse-tête que représente l’organisation extrêmement compliquée de cette reprise. N’oublions pas que beaucoup d’entre elles-eux sont parents et doivent également réfléchir à une nouvelle gestion de leur vie personnelle et à la garde de leurs enfants. L’improvisation n’est pas possible.

De plus, plusieurs professeur-e-s nous ont alerté-e-s sur des inspecteurs et inspectrices qui s’octroyaient des droits qu’ils et elles n’ont absolument pas. Nous vous demandons de leur rappeler, par exemple, que le devoir de réserve ne s’applique que pour la hiérarchie mais ne concerne pas les enseignant-e-s. Il ne nous paraît pas ni acceptable, ni raisonnable de leur refuser qu’ils ou elles s’adressent aux parents ou à la municipalité sur les éléments qu’ils et elles jugent encore problématiques quant à la sécurité des conditions de rentrée. Les informer de la situation est dans leur droit.

Par ailleurs, plusieurs IEN vont jusqu’à se prononcer sur la reconnaissance du droit de retrait. Nous rappelons qu’il n’est pas du ressort de l’employeur de juger à priori de la validité du droit de retrait. Celui-ci est retenu ou non par le CHSCT, puis par le tribunal administratif dans le cas où il y aurait un recours. En aucun cas, les IEN ne peuvent dire que celui-ci ne sera pas retenu pour dissuader les professeur-e-s de l’utiliser, qui plus est, nous le répétons, alors qu’aucun protocole sanitaire n’était alors encore arrêté. Nous condamnons d’autant plus ces pressions dans la mesure où la hiérarchie ne rassure pas les personnels et les parents d’élèves. Il est inutile de faire culpabiliser des professeur-e-s de ne pas vouloir reprendre quand on peut raisonnablement penser que les conditions ne seront pas réunies pour assurer la sécurité des enfants et des personnels.

Nous vous rappelons enfin que d’après l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur a le devoir d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salarié-e-s et que cette obligation n’est pas suspendue par la crise sanitaire.

Nous sommes conscient-e-s que vous recevez des directives du ministère au compte goutte mais un traitement plus humain des situations serait préférable. Comment est-il possible qu’un-e IEN demande à connaître la maladie d’un professeur ou de son entourage pour accorder ou non une absence ? Comme chaque salarié-e, les personnels de l’Éducation nationale sont protégés par le secret médical. De telles demandes nous interrogent fortement sur la latitude donnée, ou tout du moins, sur celle que s’octroient certain-e-s représentant-e-s de l’Institution.

Nous vous demandons donc de bien vouloir réaffirmer ce cadre légal aux différent-e-s IEN.

Situé en zone rouge, le Val d’Oise fait partie des départements où le risque de contamination est le plus élevé. Quand on apprend que des risques de complications graves font suite à la contamination au COVID, nous pouvons dire qu’il est totalement inconscient de laisser rouvrir les écoles de façon précipitée.

Alors que le Portugal, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande et l’État de New York n’ouvrent qu’en septembre, que l’Allemagne reporte sa décision sur la réouverture des écoles, que le Danemark constate une recrudescence des infections deux semaines après avoir fait revenir les enfants et que des maires annoncent la fermeture des écoles dans un département classé rouge, des IEN s’offrent le luxe d’exercer de scandaleuses pressions sur les personnels enseignants. Il faudra leur rappeler qu’il s’agit d’une véritable crise sanitaire avec près de 25 000 morts et qu’il faudrait prendre cette pandémie avec un peu plus de sérieux.

Nous invitons donc tous les IEN à se rendre eux-mêmes in situ gérer l’ouverture anxiogène des écoles, s’exposer aux risques sanitaires qui en découleront et à assumer leurs responsabilités et les conséquences judiciaires d’une ouverture prématurée.

Nous resterons vigilant-e-s face à toutes les menaces ou pressions hiérarchiques à l’encontre de nos collègues et nous soutiendrons les personnels qui souhaiteront utiliser leur droit de retrait s’ils ou elles considèrent que les conditions ne sont pas réunies pour assurer leur sécurité ou celle des enfants.

Veuillez croire, Madame, Monsieur, en notre attachement au service public d’éducation.