Courrier au DASEN: demande d’établissement d’un cadre accompagnant la réouverture du 11 mai

Argenteuil, le 4 mai 2020
Monsieur l’Inspecteur d’Académie
Directeur Académique
des Services de l’Éducation Nationale du Val D”oise
Immeuble « Le Président » – Chaussée Jules-César
95000 Cergy

Objet : demande d’établissement d’un cadre accompagnant la réouverture du 11 mai 2020 des établissements scolaires du département du Val d’Oise

Monsieur le DASEN,

Lors de son allocution du 13 avril 2020, le Président de la République a annoncé la réouverture des établissements scolaires pour le 11 mai 2020. Cette annonce suscite beaucoup d’inquiétude chez les personnels de l’Éducation nationale ainsi que chez les familles des élèves. Cette inquiétude est renforcée par l’absence de cadre réglementaire accompagnant le déconfinement et la réouverture annoncée.
Ainsi, SUD éducation 95 vous demande d’édicter un cadre réglementaire accompagnant la réouverture des établissements.

Les articles L4121-1 et suivants du code du travail disposent que l’employeur, y compris l’employeur public, a une obligation de moyens et de résultats quant à la préservation de la santé des travailleurs et travailleuses sur leur lieu de travail, tant sur le plan physique que moral. Cette disposition est confirmée par la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, qui est également applicable à la Fonction Publique de l’État. Pour la fonction publique d’État, le décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, et notamment en son article 2-1 instaure la même disposition. De plus ce décret dispose un certain nombre de mesures concernant les conditions de travail des personnels.

Document Unique d’Évaluation des Risques

Le Document Unique d’Évaluation des Risques est une obligation légale pour l’employeur. Il est prévu par l’article R4121-1 du code du travail, cette disposition est applicable à la fonction publique. Avant d’envisager toute reprise dans les établissements scolaires, ce DUER doit être mis à jour, et prévoir spécifiquement la situation de la diffusion du virus du COVID-19 et les moyens de prévention nécessaires. C’est d’ailleurs le sens des jugements du Tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de la direction de La Poste et du jugement confirmé par la Cour d’Appel de Versailles à l’encontre d’Amazon. En l’espèce, ces deux jugements peuvent trouver à s’appliquer aux fonctionnaires et agent-e-s employé-e-s par l’Éducation Nationale.

L’Institut National de Recherche et de la Sécurité a classé le COVID-19 dans la catégorie des agents biologiques infectieux qui est un virus de type 4. De ce fait, les mesures de protections et d’évaluation des risques professionnels doivent être spécifiques afin de limiter la contamination des agent-e-s pouvant y être exposé-e-s. Ainsi, dans ce cadre il faut d’après l’INRS :

  • Assurer un nettoyage régulier des surfaces pour éliminer la matière organique servant d’« aliment » aux agents biologiques et en réduire le nombre. 
  • Une ventilation générale en bon état de fonctionnement limite l’humidité qui favorise le développement des micro-organismes.

Sur ce point, nous attirons votre attention sur le fait que la désinfection des locaux scolaires devrait se faire plusieurs fois par jour selon un protocole sanitaire très strict, afin d’assurer un cadre sanitaire efficace pour limiter la propagation du virus par contact issu des gouttelettes. Or, les personnels de nettoyage dans les mairies et les collectivités territoriales (Départements, Régions) ne sont pas en nombre suffisant pour assurer cette désinfection, ce qui représente un risque d’exposition renforcé pour les personnels de l’Éducation Nationale et les usager·e·s.
Nous vous demandons en conséquence d’ordonner la mise à jour des DUER dans les établissements scolaires afin de mettre en œuvre des mesures de prévention efficaces avant toute réouverture des établissements.

• Fiches de prévention

Il vous revient également de vous assurer de la mise à jour des fiches de prévention, de leur édition, et de leur diffusion auprès de l’ensemble du personnel. Ces fiches de prévention doivent être conformes à l’article D 4121-6 du Code du Travail, dont la partie IV s’applique aux fonctionnaires.

• Sur la question des équipements de protection

Le code du travail en ses articles L4321-1 et suivants dispose que “Les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection.”
Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, en application des dispositions du code du travail, l’employeur public doit fournir les équipements de protection individuels aux agent-e-s placé-e-s sous son autorité, ou celle du chef de service dans la limite de la délégation qui lui échoit. Vous devrez donc veiller à fournir aux personnels de l’Éducation Nationale les équipements de protection nécessaires :

  • masques FFP2
  • gel hydro-alcooliques
  • savon et essuie-mains jetables en quantité suffisante.

Concernant l’usage des EPI, l’employeur est responsable et doit assurer la formation des personnels à leur utilisation en application de l’article 4-2 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité. En l’espèce, l’utilisation des masques doit faire l’objet d’une formation pour plus de vingt mille personnels de l’Éducation Nationale dans le département du Val d’Oise avant d’envisager toute reprise effective. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’en fonction du type de masque utilisé, il doit être renouvelé plusieurs fois par jour, toutes les deux à quatre heures en fonction du type.
La prévention ne se limite pas à l’équipement en matériel de protection nécessaire, elle concerne aussi l’élimination des déchets infectieux.
La réglementation prévoit qu’ils doivent faire l’objet d’une formation spécifique quant à leur élimination et à leur collecte. À ce titre des conteneurs spécifiques doivent être prévus et disponibles en nombre suffisant et seules des entreprises spécialisées habilitées au traitement de ces déchets peuvent en assurer le ramassage. Il vous faudra donc prévoir, avant le 11 mai, la mise en œuvre de ces dispositions.
Cette présence de déchets infectieux dans les établissements scolaires est un facteur de risques supplémentaires qui va exposer les personnels et les usager-e-s de l’école.

• Sur l’état du bâti des établissements scolaires et les effectifs à accueillir

Le ministre de l’Éducation Nationale a annoncé devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale que les établissements accueilleraient au maximum 15 élèves par classe.
Ceci a été annoncé sans prendre appui sur une quelconque évaluation de l’état actuel du bâti des établissements scolaires.
Nous vous demandons avant tout plan de réouverture des établissements de procéder à une évaluation fine de l’état du bâti scolaire en terme de locaux, de surfaces aménagées et équipées ainsi que de leur ventilation effective, au sein du département. De plus, une attention particulière doit être apportée aux équipements sanitaires qui sont insuffisants par rapport au nombre d’élèves accueillis dans les établissements scolaires.
Par ailleurs ce nombre de 15 élèves par classe annoncé par Jean Michel Blanquer est supérieur aux préconisations de l’ARS pour l’accueil des enfants de soignant-e-s et des personnels du ministère de l’Intérieur, qui est fixé entre 5 et 10 élèves en fonction de l’âge des enfants.
Si on suit les annonces du ministre de l’Éducation Nationale, en fonction des effectifs accueillis, par exemple, dans un lycée avec une structure de 68 divisions, cela représente 1020 élèves accueilli-e-s en cette rentrée, ce qui ne permettra pas de mettre en œuvre de façon satisfaisante les gestes barrières. De même dans une école à 12 classes, cela représente un effectif de 180 élèves. Ces annonces négligent le bâti existant et ne tiennent pas réellement compte des circulations au sein des établissements notamment dans les couloirs et escaliers ; les cours des établissements ne sont pas, dans une grande proportion, adaptées pour garantir les distances physiques recommandées par le ministère des Solidarités et de la Santé.
En conséquence, nous vous demandons d’établir un cadre prenant en compte la réalité du terrain, afin de pouvoir envisager une réouverture sans exposer la santé des personnels et des usager-e-s de l’école.

• Sur la médecine de prévention

En application des articles 11 et 11-1 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité, un service de médecine préventive est mis en place dans chaque administration de l’État, le médecin de prévention agit dans l’intérêt exclusif du salarié en toute indépendance. Les agent-e-s ont droit à un suivi médical effectif.
L’épidémie en cours pose la question des personnels qui pourraient contracter le COVID-19 en service et être asymptomatiques, ce qui est un facteur de diffusion de l’épidémie. En effet, il faudrait pouvoir assurer un suivi hebdomadaire des personnels, le délai d’incubation du virus étant de trois à quinze jours en fonction des personnes infectées.
Le rapport du 24 avril 2020 transmis par le comité scientifique dévolu à la crise actuelle est particulièrement explicite sur le fait que « le médecin du travail doit s’assurer que les gestes barrières sont strictement respectés sur le lieu de travail ». Notre département souffre d’un nombre très insuffisant de médecins de prévention depuis plusieurs années, comment comptez-vous mettre en place le suivi médical dû aux agent-e-s de l’Éducation Nationale ?
Dans le cadre de la réouverture des établissements scolaires annoncée à partir du 11 mai, nous vous demandons de prendre par voie de circulaire ou note de service une disposition permettant que la médecine de prévention puisse réaliser un suivi hebdomadaire des personnels qui reprendraient leur service au moment de la réouverture.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, soyez assuré Monsieur le DASEN du département du Val d’Oise, de notre profond attachement au service public d’Éducation ainsi qu’aux conditions de travail et de santé des personnels.