Alors que les enseignant-e-s reçoivent en permanence des injonctions contradictoires, des informations qui évoluent au gré des discours officiels et ne savent même pas s’ils et elles pourront reprendre les cours dans des conditions assurant leur sécurité et leur santé, l’Éducation nationale a trouvé le temps d’élaborer et de diffuser une fiche intitulée « Coronavirus et risque de replis communautaristes ». L’objectif de cette fiche de pure propagande est de faire diversion en n’assumant pas ses responsabilités et en jouant avec le feu.
Pour vaincre la « menace du communautarisme », il est conseillé d’ «organiser une intervention des équipes académiques Valeurs de la République, sur les principes de liberté, l’égalité, fraternité et laïcité, pour une action d’accompagnement, voire une formation locale, notamment lorsque l’établissement est situé dans des quartiers particulièrement sensibles identifiés dans le plan mis en place depuis février 2018 ». Ceci est une parfaite illustration de la stigmatisation des quartiers populaires, et plus particulièrement visant les musulman-e-s ou identifié-e-s comme tel-le-s.
L’expression « séparatisme », employée par Emmanuel Macron lors de la dernière polémique médiatique concernant les musulman-e-s, est bien sûr présente dans la fiche, qui appelle à anticiper des réactions « communautaristes » en ne se basant sur aucune étude ni aucune réalité de terrain.
En conseillant de « repérer les glissements sémantiques fréquents entre communauté et communautarisme », ce document « pédagogique » contre-productif risque de créer de la confusion et d’engendrer des questionnements dangereux amalgamant islam et islamisme, communauté et communautarisme, identité et nationalité. Il serait bon, avant toute réflexion hors sol, que l’iInstitution ouvre un dictionnaire pour donner une définition de ces notions.
Rappelons que l’islamophobie tue comme le montrent les récents attentats sanglants perpétrés par l’extrême droite australienne et allemande contre les musulman-e-s et l’attaque d’une mosquée en France. Rappelons aussi que cette dernière attaque est à l’origine de la marche du 10 novembre contre l’islamophobie. Le gouvernement attise le feu de la haine au lieu de l’éteindre.
Depuis le début de l’année scolaire 2019-2020, Jean-Michel Blanquer a multiplié les sorties scandaleuses, créant des polémiques stigmatisant les personnes musulmanes ou supposées telles. Il a été démenti par ses propres services sur le prétendu défaut de scolarisation des petites filles musulmanes. Il a attaqué la FCPE à propos d’une affiche de campagne montrant une femme portant le voile. Il n’a pas condamné fermement l’agression par un élu RN d’une mère d’élèves portant le voile en accompagnant une sortie scolaire. Cette fiche s’inscrit donc dans la continuité d’un discours institutionnel discriminant.
Au plus haut niveau, l’État se fait le relais de discours préconçus que l’on entend déjà trop souvent dans les médias dominants. Ainsi, durant cette période de confinement, alors que les quartiers populaires sont « indisciplinés », les quartiers favorisés profitent simplement du beau temps. Ce discours discriminant est insupportable. Seules certaines communautés sont accusées de mettre en péril « la cohésion sociale ».
Sur ce document, nous apprenons que «la crise du Covid 19 peut-être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des États à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés » et que ces « contre-projets de société peuvent être communautaires, autoritaires et inégalitaires ». Nous sommes alors rassuré-e-s sur le fait que nous sommes actuellement dans une société démocratique qui respecte l’avis de la majorité des Français s’opposant à la réouverture des établissements, et dans une société égalitaire où tous les parents pourront choisir, sans contrainte économique ou pression hiérarchique, de mettre ou non leurs enfants à l’école.
Ce gouvernement qui clamait haut et fort que les masques ne servaient à rien affirme actuellement qu’il faudra en porter et s’apprête à distribuer des amendes à ceux et celles qui oseront ne pas en porter dans certains lieux. Le gouvernement avait déjà perdu sa crédibilité en maintenant les élections municipales et en dégainant le 49.3 et il continue à se discréditer en élaborant cette fiche pour diviser.
Dans cette fiche, on insiste sur l’esprit critique, sur le conseil de proposer des débats dans le cadre d’une séance d’Enseignement Moral et Civique ou sur le fait de donner une place importante aux discours scientifiques. Nous espérons alors que les enseignant-e-s pourront en profiter pour pointer les manquements de l’État, pour montrer que les politiques libérales ont accru les inégalités et que l’État ne suit ni le rapport de l’Ordre des médecins ni le Conseil scientifique qui préconisaient pourtant de ne pas rouvrir dans ces délais les établissements scolaires.
Nous pensons également que M. Blanquer devrait utiliser son temps à essayer de résoudre les problématiques auxquelles est confrontée l’Éducation nationale. M. Blanquer est ministre de l’Éducation nationale : il est responsable. Il doit protéger les enfants, leurs familles et les personnels et non stigmatiser toujours les mêmes personnes pour escamoter sa gestion calamiteuse et les désaveux à répétition qu’il subit au quotidien.
S’il est évident que la période est propice aux rumeurs et aux fausses nouvelles, les croyances irrationnelles et la diffusion d’intox n’est pas l’apanage des classes et des quartiers populaires.
- SUD éducation 95 dénonce la stigmatisation d’une partie de la population et condamne l’islamophobie.
- SUD éducation 95 demande à l’État de débloquer de réels moyens humains et matériels pour combattre les inégalités sociales et exige que cessent ses discours racistes, islamophobes et xénophobes dans les médias.
- SUD éducation 95 demande que les priorités soient données à la gestion sanitaire du Coronavirus en rouvrant les établissements seulement quand les conditions assurant la sécurité et la santé des personnels et des élèves seront réunies.