La profession toute entière, et plus largement l’opinion publique, est horrifiée suite à l’annonce de l’assassinat terroriste de Samuel Paty, enseignant d’Histoire-Géographie dans un collège de Conflans Sainte-Honorine.
Nous exigeons que les personnels de l’éducation nationale puissent aborder cet assassinat sans être instrumentalisé-e-s, sans que la laïcité soit dévoyée et les quartiers populaires stigmatisés. Nous refuserons ainsi de laisser entendre que les élèves des quartiers populaires seraient hostiles à la liberté d’expression, emprunt-e-s de fanatisme voire complices de cette horreur.
Rappelons qu’en plein confinement, alors même que les établissements scolaires n’étaient pas rouverts, le ministère de l’Éducation nationale avait diffusé une fiche éduscol pour prévenir des risques communautaristes. Depuis le début de l’année scolaire 2019-2020, Jean-Michel Blanquer a multiplié les sorties scandaleuses, créant des polémiques stigmatisant les personnes musulmanes ou supposées telles. Il a été démenti par ses propres services sur le prétendu défaut de scolarisation des petites filles musulmanes. Il a attaqué la FCPE à propos d’une affiche de campagne montrant une femme portant le voile. Il n’a pas condamné fermement l’agression par un élu RN d’une mère d’élèves portant le voile en accompagnant une sortie scolaire. Le gouvernement n’a rien mis en place pour lutter contre l’islamophobie. Rien n’a été fait après l’acte terroriste et criminel dans une mosquée ni après l’agression et l’humiliation d’une mère voilée en sortie scolaire ni après l’humiliation de la vice-présidente du syndicat étudiant l’UNEF.
Dans le contexte actuel de déferlement raciste et islamophobe déjà omniprésent et de la loi contre les séparatismes, cet assassinat ne doit absolument pas être récupéré ni instrumentalisé pour faire porter la responsabilité des actes d’un criminel à tou-te-s les personnes de confession musulmane, réelle ou supposée.
Rappelons que l’islamophobie tue aussi comme le montrent les récents attentats sanglants perpétrés par l’extrême droite australienne et allemande contre les musulman-e-s et l’attaque d’une mosquée en France. Rappelons aussi que cette dernière attaque est à l’origine de la marche du 10 novembre contre l’islamophobie. Depuis des années, le gouvernement attise le feu de la haine au lieu de l’éteindre.
Aujourd’hui, le gouvernement se porte en tant que défenseur du métier d’enseignant-e, mais doit-on rappeler que les professeur-e-s sont sans cesse rappelé-e-s à l’ordre sous le faux prétexte d’un « devoir de réserve » et que dans le cadre de l’École de la confiance, ils-elles subissent sanctions et répression à chaque fois qu’il y a remise en cause des politiques du gouvernement ? Rappelons-nous de la répression subie par les enseignant-e-s de Melle et d’ailleurs ou les gardes-à-vue abusives des lycéen-ne-s pour avoir osé s’opposer à la mise en place des E3C. La liberté pédagogique est attaquée de toutes parts. Alors que l’enseignement moral et civique devrait permettre aux élèves de développer leur esprit critique, de débattre et de favoriser l’émancipation, cet enseignement est réduit à « une vitrine républicaine » où les volumes horaires ne cessent de diminuer. Il est trop facile de faire de notre métier un symbole de la République quand une succession de réformes abattent « l’égalité républicaine » qui leur est chère en supprimant l’éducation prioritaire. Nous revendiquons une école émancipatrice et nous réaffirmons que le meilleur moyen de combattre l’obscurantisme reste l’éducation, et qu’il est urgent d’allouer des moyens supplémentaires. Cependant, nous refusons de faire porter à l’école seule, la responsabilité du terreau favorable à ces actes criminels.
Nous appelons donc tou-te-s les collègues à dénoncer cet assassinat, à rester extrêmement vigilant-e-s et à dénoncer toute généralisation, toute instrumentalisation visant à faire de notre collègue le symbole d’une République ou des libertés assaillies par les barbares alors même qu’elles sont quotidiennement foulées au pied par ces mêmes institutions qui tentent aujourd’hui de s’en présenter comme garantes.
C’est ainsi que nous entendons rendre hommage à notre collègue, sans céder à la peur ni aux fanatismes de tous bords.
SUD éducation 95 demande à l’État de débloquer de réels moyens humains et matériels pour combattre les inégalités sociales et exige que cessent ses discours racistes, islamophobes et xénophobes.
SUD éducation 95 exige la création d’une médecine de prévention digne de ce nom avec un recrutement massif de médecins, infirmie-re-s et assistantes sociales.
SUD éducation 95 exige une réelle protection des personnels lorsqu’ils et elles sont menacé-e-s.