Santé et sécurité au travail : l’État casse les thermomètres

4 pages fédéral

Quels moyens pour protéger notre santé au travail ?

Alors que Blanquer a encore fait le choix de ne pas utiliser 75 millions d’euros du budget alloué à l’Éducation Nationale cette année, son ministère annonce seulement 82 médecins du travail pour effectuer le suivi médical de plus 1,1 million d’agent·es de l’Éducation nationale. Le CHSCT ministériel alerte régulièrement le ministère de la nécessité de recruter des médecins du travail et des préventeurs. L’action de ces personnels permet de tracer les expositions professionnelles et de visibiliser les  atteintes aux conditions de travail. Elle devrait  permettre de protéger la santé des personnels. Mais en matière de médecine du travail, comme pour l’inspection santé et travail et l’évaluation des risques professionnels,  on est loin du compte !

Des moyens pour la médecine du travail !

Présenté le 3 décembre 2021, le rapport d’activité sur la médecine du travail du MEN indique qu’en 2020, 31 231 visites seulement ont été réalisées pour plus de 1 160 000 personnels de l’Éducation Nationale. 82 médecins étaient en poste pour un équivalent de 70 temps pleins. Ce sont les seuls professionnels à pouvoir préconiser à l’employeur les mesures à prendre pour protéger les personnels. Les 25 infirmier.e.s et 18 psychologues du travail qui sont en poste ne pallient pas le manque de médecins.
Selon la Cour des comptes, le ratio actuel est de 1 médecin pour environ 16 000 agent·es. Pendant longtemps, le ratio préconisé était de 1 médecin pour 2 500 agent·es. C’est la plus faible couverture en médecine du travail, secteur public et privé confondus. Et les inégalités territoriales sont importantes.
Pour que la médecine du travail mène à bien ses missions, il faudrait recruter 400 médecins à temps plein. Il manque 85% des effectifs. L’enjeu est de taille : c’est la médecine du travail qui seule peut recevoir les personnels pour des visites médicales, suivre leur état de santé au regard des expositions aux divers risques matériels, aux polluants chimiques et environnementaux, et aux risques psychosociaux. Elles et eux seul-e-s peuvent aussi décider d’aménagements de poste, et mettre en œuvre les adaptations pour les personnels en situation de handicap. Pour rappel, tout personnel peut demander le bénéfice d’une visite médicale du travail (article 24-2 du décret 82-453 du 28 mai 1982). L’employeur ne respecte pas ses obligations en la matière. C’est pourquoi SUD éducation a déjà obtenu la condamnation des rectorats aux tribunaux administratifs de Nantes et Créteil le contraignant à permettre aux personnels concernés d’avoir accès à une visite médicale ou le forcer à recruter un médecin du travail.

SUD éducation revendique :

  • la formation et le recrutement de médecins du travail à hauteur des besoins,
  • le bénéfice de la visite médicale annuelle pour l’ensemble des personnels afin de tracer nos expositions aux risques professionnels et bénéficier des adaptations de postes le cas échéant,
  • L’octroi effectif d’allègements de service chaque fois que préconisé par le·la médecin du travail.

Accidents du travail et maladies professionnelles : le déni, ça suffit !

Chaque fois qu’un accident ou une maladie surviennent en lien avec le travail, nous sommes fondée·s à en demander la reconnaissance en accident du travail (dit accident de service dans la fonction publique) ou en maladie professionnelle. Sans oublier les accidents de trajets. Les enjeux sont individuels : l’agent·e bénéficie de la prise en charge des frais de santé. Ils sont aussi collectifs : c’est l’employeur qui paye le salaire pendant les congés et non les cotisations des agent·es (sécurité sociale et mutuelle). C’est une contrainte financière à même de l’enjoindre à modifier l’organisation du travail pour protéger les agent·e·s de situations similaires. Si en droit, la reconnaissance est supposée acquise, l’employeur s’y oppose abusivement, en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes psychosociales. C’est un mépris de la situation de nombre de personnels et de la réglementation. L’employeur a aussi l’obligation d’informer les personnels de cette possibilité de reconnaissance. Par ignorance de leurs droits, peu de personnels déclarent accidents et maladies. La sous-déclaration est énorme. Selon le CHSCT ministériel, le nombre d’accidents de travail déclarés dans l’éducation nationale est 300 fois moins élevé (1) que dans l’ensemble du secteur privé ! La volonté de l’employeur d’invisibiliser les accidents et maladies professionnelles est manifeste. Chaque refus de reconnaissance de l’origine professionnelle d’un accident ou maladie est un déni inacceptable des droits élémentaires des personnels.

  (1) Sources : Bilan social éducation nationale 2019-2020 et chiffres issus de la sécurité sociale (Ameli.fr), Education nationale :  150 accidents du travail dans l’éducation nationale / 1.300.000 personnels = 0,11 pour 1000. Secteur privé : 33 pour 1000, source Ameli.fr.

SUD éducation revendique :

  • la reconnaissance immédiate de l’accident de travail (ou sur le trajet) dès lors qu’il se produit par le fait ou à l’occasion du travail,
  • la reconnaissance des accidents de travail et maladies professionnelles liées aux risques psycho-sociaux
  • la reconnaissance d’accidents du travail et de maladies professionnelles par une commission indépendante.
  • l’information du médecin du travail de toute demande de reconnaissance d’accident de service.

Il faut évaluer les risques professionnels !

Depuis 2001, le Document Unique d’Évaluation des Risques  professionnels (DUERP) doit être réalisé et mis à jour tous les ans par chaque chef·fe d’établissement du second degré ou par le.la DASEN pour chaque école et établissement du second degré. Ce n’est pas du ressort des personnels chargés de la direction d’école. En 2018, 28 % des collèges et des lycées, 34 % des écoles et 70 % des services académiques n’en disposaient toujours pas (source : Rapport de la Cour des comptes 2021). 
Le DUERP répertorie les risques professionnels auxquels sont exposé·es les agent·es. L’identification et le classement de ces risques devrait déboucher sur un plan annuel de prévention.  C’est un outil  indispensable pour prévenir les différentes atteintes et protéger ainsi les personnels.  Dans l’Éducation nationale, ce sont des coquilles vides reproduisant les modèles académiques sans prise en compte du terrain et de la diversité des risques présents.  Ils ne sont jamais accompagnés de mesures de prévention adéquates.  Ce devrait être des outils faciles d’accès pour les personnels.

SUD éducation revendique :

  • que l’employeur évalue l’ensemble des risques, y compris environnementaux et psycho-sociaux, et élabore les DUERP de chaque école et établissement. C’est sa responsabilité, et non celle des directeur·trices d’école.
  • du temps de concertation sur temps de travail pour que les équipes puissent contribuer à l’état des lieux, après quoi l’employeur et les préventeur·ice·s définiront les actions et moyens.
  • la mise à jour régulière des DUERP et leur communication à l’ensemble des personnels.

Pour une inspection santé et sécurité au travail indépendante !

Dans le secteur privé, l’inspection du travail exerce ses missions en toute indépendance vis-à-vis des employeurs et employeuses. Les inspecteurs et inspectrices du travail bénéficient de garanties d’indépendance et de prérogatives en matière de sanctions des infractions au Code du travail définies par l’Organisation Internationale du Travail (C81 du 11 juillet 1947). Dans la fonction publique, ce sont les inspecteur·trices santé et sécurité au travail (ISST) qui veillent à l’application par l’employeur des règles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des agents dans leur travail. Leur indépendance est toute relative, c’est peu dire. L’État s’est ainsi soustrait du champ de contrôle de l’Inspection du travail. Les ISST sont désigné·es par les recteur·trices d’académie et malgré leur rattachement à l’inspection générale restent sous leur influence.

Surtout, les ISST ont uniquement une fonction d’expertise, de conseil et de proposition. L’État s’est bien gardé de leur attribuer un pouvoir de sanction sur ses carences. Ils n’ont pas la possibilité de dresser des procès-verbaux, de rédiger des mises en demeure, d’effectuer des arrêts de travail et des décisions d’arrêts temporaires d’activités suite à des situations dangereuses. Ils ne peuvent ainsi contraindre les chefs de service à mettre en œuvre les préconisations qu’ils pourraient formuler.
Enfin, leur effectif est notoirement insuffisant. Le ministère se contente d’un ISST par Académie. Comment contrôler et veiller efficacement à l’application de la législation dans un périmètre comptant plusieurs centaines d’établissements et parfois plusieurs dizaines de milliers de personnel et ce sans moyen coercitif ?  Face aux nombreuses entraves à l’application des règles prévention et de protection des conditions de travail par les chefs de services et d’établissement dans l’Éducation Nationale, ces ISST sont donc pieds et poings liés.

SUD éducation revendique :

  • la fusion des ISST dans le corps de l’inspection du travail
  • le recrutement massif d’inspectrices et inspecteurs du travail pour contrôler et sanctionner les manquements
  • l’application des règles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des agent·es de l’Éducation nationale.

Des instances entravées par l’employeur 

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) constitue un levier puissant pour contraindre l’employeur à améliorer l’hygiène et la sécurité du travail. Si dans le secteur privé, une instance est créé dès qu’une unité de travail compte 50 salariés, les CHSCT académiques et départementaux ont en charge plusieurs dizaines de milliers de personnels. Les représentants de l’employeur méconnaissent les textes et bloquent régulièrement le fonctionnement de l’instance. Les alertes pour danger grave et imminent sont fréquemment contestées. Les remontées des fiches RSST et des déclarations d’accidents de service sont partielles ou tardives… Autant d’entraves à son fonctionnement que l’employeur multiplie, et contrairement aux employeurs privés, l’Etat s’appuie sur un droit public ne faisant toujours pas de l’entrave un délit. Dans la majorité des cas, ces CHSCT ont ainsi été réduits par l’employeur à des chambres d’enregistrement alors qu’ils devraient être un espace de conflictualité avec l’employeur sur les actions à engager pour l’amélioration des conditions de travail et la protection de toutes et tous.
Enfin, les prérogatives des CHSCT sont menacées par leur remplacement par de simples commissions santé  sécurité et conditions de travail (CSSCT) dépendantes des nouveaux comités sociaux d’administration (CSA). Cette instance combinant les missions du comité technique et du CHSCT sera encore plus éloignée du terrain et déconnectée des préoccupations des personnels sur leurs conditions de travail.

SUD éducation revendique :

  • le maintien des CHSCT comme instance représentative en charge des conditions de travail,
  • la création d’un CHSCT dans chaque école et établissement,
  • la création d’un délit d’entrave pour sanctionner les non-réponses de l’employeur,
  • l’intervention de l’inspection du travail dans l’Éducation nationale en toute indépendance.

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