Le ministère a décidé d’imposer le retour d’évaluations nationales. L’ensemble de la communauté éducative n’a pourtant jamais cessé de les dénoncer. SUD éducation réaffirme son refus catégorique de ces évaluations.
Ces évaluations nationales ne constituent pas un outil professionnel pour la classe et ne sont pas au service du diagnostic ni de la réduction des difficultés scolaires. Ces tests seront exclusivement ciblés sur la mesure des acquis scolaires des élèves par rapport aux programmes. Autrement dit, ils ne viseront qu’à mesurer la performance du système éducatif, des élèves, des enseignant-e-s et des équipes pédagogiques. Elles mènent ainsi à la stigmatisation des élèves et elles servent à légitimer des dispositifs d’aide “personnalisée” qui ont pourtant prouvé leur inefficacité à l’inverse des RASED et de la réduction des effectifs.
Elles seront utilisées pour contrôler le travail des enseignant-e-s, sur la base d’objectifs purement quantitatifs. Elles contribuent à la standardisation de nos pratiques de classe. C’est une façon méprisante de s’asseoir sur le travail en équipe pour la passation, la correction et l’analyse des évaluations. Elles poussent à centrer le travail en classe sur une pratique de bachotage et la recherche de résultats quantitatifs à tout prix. D’ailleurs, l’expérience le montre : les pseudo-formations parfois imposées aux enseignant-e-s dont les élèves ont des résultats insuffisants à ces évaluations ne sont de fait que des reformatages.
Ces évaluations nationales ne sont en réalité aucunement nécessaires pour l’évaluation du système scolaire. Il est illusoire de penser que les résultats produits par ce genre de dispositif sont représentatifs. Le Haut Conseil de l’Éducation dans son bilan annuel de l’école de 2011 a pointé le peu de fiabilité de ces évaluations. En effet, les conditions de passation ne sont pas homogènes sur tout le territoire et les codes de correction ne permettent pas une analyse fine des erreurs des élèves et sont une vision simpliste des processus d’apprentissages. Des protocoles sur des cohortes d’élèves choisis, avec des analyses quantitatives et qualitatives, sont largement suffisants pour cela, et même plus efficients que ces évaluations nationales généralisées.
Progressivement, on prépare l’opinion publique à l’idée que la mission première de l’enseignement réside en la quête permanente de la performance et du classement. On développe dans l’école une culture du résultat et du mérite, dont on connaît pourtant bien les dégâts dans l’univers impitoyable de la grande entreprise. Cela n’aura pour effets que d’accentuer les pressions sur les enfants en difficulté scolaire et à disqualifier les enfants des classes populaires. Ce pilotage par l’évaluation fait peser une menace lourde sur le système éducatif, en instaurant des outils de mesure de résultats qui visent à mettre toujours plus en concurrence les écoles et établissements, les enseignant-e-s et les élèves, à travers la publication de leurs résultats, de “palmarès” des meilleures écoles et établissements. Ce “pilotage par les chiffres », dont l’objectif reste la réduction des moyens et du nombre de postes, s’inscrit, avec la disparition de la carte scolaire, dans un projet de transformation de l’éducation en un vaste marché.
Ces évaluations préparent la mise au pas réactionnaire de l’école que programment Macron et Blanquer, sur les méthodes et les programmes. Ces évaluations nationales sont à l’opposé de nos aspirations, de nos convictions éducatives et de nos missions professionnelles. Les enseignant-e-s évaluent leurs élèves tout au long de l’année et au cours des apprentissages. Les enseignant-e-s n’attendent pas ces évaluations pour différencier leur pédagogie et adapter leurs enseignements en fonction des difficultés des élèves. Nous considérons que l’évaluation des élèves ne peut pas relever d’injonctions institutionnelles normatives. Les évaluations et leurs rendus doivent être des outils construits par les enseignant-e-s dans le cadre de leurs pratiques pédagogiques pour faire progresser les élèves à leurs rythmes en s’appuyant sur les acquis et les recherches des pédagogies alternatives et coopératives. SUD éducation revendique ainsi une évaluation formative plutôt que sommative, une évaluation dans un cadre pédagogique ne donnant pas lieu à un quelconque fichage de l’élève, la réduction du temps d’enseignement pour permettre une réflexion collective sur l’évaluation.
Ces évaluations nationales ne sont pas obligatoires !
Le ministère a beaucoup communiqué sur ces évaluations mais il n’a publié au Journal officiel aucune circulaire leur donnant un cadre formel. Il n’y a donc pas cadre réglementaire pour ces évaluations qui puissent les rendre obligatoires. Et non, un simple courrier du DASEN ou du ministère ne suffit pas !
Face aux oppositions et aux résistances que ces évaluations ont provoquées, Jean-Marc Huart, directeur de l’enseignement scolaire (Dgesco), a lui-même levé les consignes contraignant-e-s d’application de l’évaluation de CP via un courrier adressé aux enseignant-e-s : « Il est important que cette évaluation se déroule dans un climat de bienveillance… sans aucun esprit de compétition », « Vous avez la possibilité de ne faire passer qu’une partie des exercices », « Les durées de passation doivent être considérées comme indicatives. »
Bref, vous faites comme vous voulez… Puisqu’on ne peut rien vous imposer.