C’est avec stupeur que nous avons appris le suicide de Jean Willot, professeur des écoles à Eaubonne. Une fois encore, les faits viennent nous rappeler la difficulté du métier et le manque de considération et de soutien dont peut parfois faire preuve l’administration.
Suite à un incident qui aurait amené le professeur à attraper un enfant par le bras, une plainte a été déposée par la mère. D’après les témoignages des proches et collègues, cette affaire ainsi que la convocation par l’Inspection académique avaient profondément touché l’enseignant. D’après les premiers retours, les faits ne se seraient de plus pas exactement déroulés tels que décrits initialement.
Nous souhaitons donc présenter nos condoléances à la famille et aux proches mais aussi rappeler le devoir de protection des agent-e-s qui incombe à l’administration. Si la vigilance à l’égard des violences faites aux enfants doit être constante dans l’Éducation Nationale, il est inadmissible de constater une fois encore les effets des procédures froides et bureaucratiques de l’administration dans de pareils cas.
Malgré les conséquences dramatiques de cet événement, c’est encore le « pas de vague » qui prime. Comment cette même administration peut-elle justifier d’une reprise du travail dès 8h30 le lundi suivant après une brève intervention dans l’école ? De quelle exemplarité fait-elle preuve lorsqu’elle interdit toute évocation des faits et refuse dans un premier temps d’accorder à la grande majorité des collègues la possibilité d’assister le jeudi aux obsèques de leur collègue ? Ce sont finalement deux malheureuses heures qui leur seront concédées…
Enfin, on est en droit de se demander quelle confiance nous pourrions accorder à cette administration quand nous nous trouvons face à ces symptômes d’un système éducatif qui broie de plus en plus les collègues sous la pression de la hiérarchie, de la culture du résultat et de la communication Ministérielle.
Malheureusement, nous constatons à longueur d’année que des collègues en souffrance s’arrêtent en plein stage, multiplient les arrêts maladies pour cause de burn-out ou tout simplement démissionnent d’un métier pourtant choisi mais qui n’offre plus les conditions de formation et de sérénité minimales
Ce suicide n’est pas pour nous un acte isolé et totalement décontextualisé. Il dit quelque chose de la lourdeur dans laquelle nous évoluons depuis quelques années. Il nous rappelle l’exigence que nous
devons avoir d’une administration au service des citoyen-ne-s et des personnels quand nous nous trouvons face à cette machine aveugle et impersonnelle qui gère une masse indéterminée.
L’éducation est un service public qui œuvre dans l’intérêt des citoyen-ne-s et non une entreprise qui doit satisfaire des client-e-s. Tout le monde en serait convaincu si l’on ne cessait de mettre en concurrence les établissements, les professionnels et les enfants. Sans ce lien de proximité indispensable entre l’école et les parents, nous ne pourrons que déplorer à nouveau des faits comme celui-ci. Nous ne pourrons alors que suivre le chemin des services publics délaissés comme ceux des Télécom, de La Poste, du rail ou des hôpitaux, secteurs où de pareils drames ne cessent de se dérouler.
Pour nous le problème ne vient donc pas d’une autorité du professeur qu’il faudrait réhabiliter mais bien d’un système global qui nie toujours plus la place à accorder aux individus et au lien de proximité qui autorise la confiance entre les professionnels et les usager-e-s.
Le Ministre a beau l’appeler de ses vœux tous les jours dans les médias mais pour notre part, nous n’avons plus confiance en notre administration.