Canicules : des outils pour agir sur les effets et les causes du dérèglement climatique

Tract fédéral du 13/06/2022
Mise à jour septembre 2023

SUD éducation porte des revendications sur la justice sociale et environnementale dans le secteur de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Zoom sur les outils disponibles pour les personnels en période de vague de chaleur, et sur nos revendications pour lutter contre le dérèglement climatique.

Le réchauffement climatique entraîne, parmi d’autres phénomènes, l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des canicules. En France, 23 épisodes caniculaires ont été enregistrés par Météo France entre 2000 et 2021, alors qu’il n’y en avait eu que 17 en plus de cinquante ans entre 1947 et 1999. Se produisant de plus en plus tôt dans la saison estivale, ils produisent des effets en période scolaire, comme en 2019 pendant la période du Diplôme national du Brevet, qui avait dû être reporté, ou en 2022 pendant les épreuves écrites du baccalauréat. Tout indique que les établissements scolaires doivent s’adapter à cette réalité, et que les gouvernements doivent faire en sorte de limiter à la fois les effets et les causes (les émissions de gaz à effet de serre) du dérèglement climatique. Pourtant, les mesures tardent à être prises par notre hiérarchie, et imposent une mobilisation des personnels pour se protéger, ainsi que leurs élèves.
Les vagues de chaleur pèsent lourdement sur la santé des élèves et sur les conditions de travail des personnels, en particulier dans des locaux scolaires souvent dégradés et inadaptés. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), suivant en cela les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), considère qu’au-delà de 30° C pour un·e salarié·e sédentaire, la chaleur peut constituer un risque, et que le travail par fortes chaleurs, notamment au-dessus de 33° C, présente des dangers. Pourtant, il n’existe pas de seuil thermique fixé dans le droit au-dessus ou en-dessous duquel fermer la classe.

L’Éducation nationale n’a pas conçu de plan d’ampleur pour rénover ou reconstruire des locaux souvent dégradés, mal isolés, mal ventilés, ni pour végétaliser des cours de récréation massivement bitumées. Nous attendons de voir les effets du nouveau plan d’isolation du bâti scolaire en termes de budgétisations et de réalisations concrètes sur le terrain. En effet, notre employeur est responsable de nos conditions de travail et de notre santé au travail. L’article L4121 du code du Travail prévoit en effet que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Les employeurs publics quant à eux sont tenus de garantir la santé et la sécurité des agent·es, ils doivent prévenir les risques, et ils ont une obligation de résultat en la matière, et non simplement de moyens.
Les horaires doivent également être repensés en période de canicule : prévoir des modifications d’horaires dans l’Éducation nationale et à l’université comme pour les salarié·es pour privilégier le travail le matin permettrait aux familles de récupérer leurs enfants, et éviterait l’utilisation de climatisation énergivore sur les lieux de travail.
Les causes du dérèglement climatique, quant à elles, sont désormais connues : il est d’origine humaine, et tient en particulier au modèle de production capitaliste et productiviste. Des solutions globales et pérennes existent, qui permettraient de construire une société à la fois respectueuse des êtres vivants et plus égalitaire, et de bien vivre en satisfaisant nos besoins. Mais cela passe par une reconversion écologique et sociale de notre société : baisse du temps de travail, sobriété, production non marchande et non polluante, partage des richesses, reprise du contrôle de la production par les salarié·es, reconversion de l’économie qui soit tournée non vers la croissance et la création de nouveaux « besoins », mais vers le bien-être de toutes et tous.

Nos revendications

SUD éducation exige de toute urgence, en période de canicule :
· Au minimum, la mise à disposition de ventilateurs. L’eau doit être accessible à toutes et tous à tout moment, sans toutefois recourir à des bouteilles en plastique, ce qui revient à donner de l’argent public à des entreprises qui privatisent le bien commun de l’eau, et qui produisent des déchets très polluants. Les collectivités territoriales et les établissements d’enseignement supérieur devraient envisager d’équiper personnels et élèves en gourdes dans les établissements dont elles ont la responsabilité, et cela dès le début de l’année scolaire.
· Le report des examens lorsqu’ils ont lieu pendant des épisodes caniculaires.
· La fermeture des établissements partout où cela semble nécessaire aux personnels, aux parents et aux étudiants.

SUD éducation revendique des actions sur les causes et les effets du dérèglement climatique :

· L’instauration de températures minimales et maximales de travail ; le contrôle effectif des températures dans les bâtiments par les CSA (comités sociaux d’administration) ;
· Des moyens pour l’hôpital public, pour le rendre capable d’affronter des épisodes caniculaires intenses et longs ;
· Un plan de rénovation ou de reconstruction des bâtiments scolaires pour les isoler et les ventiler ;
· La végétalisation des cours de récréation ;
· Des objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre réellement contraignants pour l’État et les entreprises ; des politiques de rupture pour la justice sociale et environnementale.

Que faire en cas de forte chaleur dans les écoles et les établissements ?

Renseigner le Registre Santé et Sécurité au Travail

Écoles et établissements vétustes, mal isolés, inadaptés, etc. : c’est le moment de renseigner le Registre Santé et Sécurité au Travail (RSST). Ce dernier est obligatoirement accessible dans les établissements et écoles, conformément au décret 82-453 du 28 mai 1982. Il faut y écrire les situations problématiques, la hiérarchie étant ensuite tenue de répondre. Ce document a une valeur juridique : il est donc un moyen d’acter un événement de manière factuelle. Le signalement renseigné par l’agent·e doit rester purement descriptif, sans entrer dans l’analyse.
Exemple de signalement dans le RSST : « Dans [tel et tel local de l’école ou de l’établissement], la température mesurée est de XX° C à [heure du relevé]. Cette situation présente un risque pour les enfants et les personnels qui sont dans l’obligation d’y travailler. »

Exercer son droit de retrait

Si vous constatez que les fortes températures constituent un danger grave et imminent, cela justifie l’exercice du droit de retrait (régi par le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié, relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique : article 5-5 à 5-10).
Mesurer la température dans la classe avec un thermomètre.

Alerter la hiérarchie

  • Remplir le Registre de Danger grave et imminent. Obligatoire dans les écoles et les établissements scolaires, il se présente sous la forme d’un cahier, et il est à la disposition de tous les personnels et usagers de l’établissement. Son rôle est complémentaire de celui de RSST (voir ci-dessus). Si un danger matériel ou psychique peut entraîner à court ou long terme un risque grave pour une ou des personnes, il doit être noté dans ce registre. L’administration devra réagir immédiatement pour éviter la réalisation de l’accident. Si, faute d’action, un accident se produit dans ces circonstances, le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur sera acquis pour la victime, ce qui permet une meilleure indemnisation de celle-ci. Les représentant·es au CSA peuvent en plus y déposer un droit d’alerte. L’employeur est alors dans l’obligation de procéder à une enquête sur le danger signalé, en présence des représentant·es au CSA. À l’issue de cette enquête, l’employeur doit proposer des mesures pour faire cesser le danger. Si les représentant·es au CSA sont en désaccord avec les mesures préconisées par l’employeur, un CSA extraordinaire doit se tenir au plus tard dans les 24 heures.
  • Contacter un membre du CSA départemental ou académique.
  • Exercer son droit de retrait après avoir mis ses élèves en sécurité (par exemple en conduisant et en surveillant les élèves dans la salle la plus fraîche de l’école ou de l’établissement scolaire) : en effet, l’exercice du droit de retrait ne doit pas entraîner un danger pour autrui.

Définition juridique du droit de retrait :
La personne qui a « un motif raisonnable » de se sentir en danger grave et imminent peut se retirer de sa situation de travail sans qu’il y ait sanction financière ou autre : c’est le droit de retrait. Pour le faire valoir, il suffit de le signaler verbalement à son chef de service (et nous conseillons vivement de le faire en étant accompagné d’un·e témoin), même si par la suite, le Registre de danger grave et imminent doit être complété. Si le chef de service le refuse, il faut alors signaler cette entrave dans le RSST.
Le droit de retrait est un droit individuel. Quand plusieurs agent·es le font valoir pour le même motif, il faut qu’ils et elles le signalent quand même individuellement. L’agent⋅e qui a exercé son droit de retrait doit reprendre le travail s’il a un ordre écrit de sa hiérarchie. La reprise du travail en l’absence de mesure pour protéger l’agent⋅e pourra ensuite être contestée.

  • Déclarer les accidents de service et les accidents de travail liés à la chaleur
  • En cas de malaises ou de maladie liés à la chaleur (trajet compris), il faut penser à le déclarer comme accident de service/accident de travail
  • Interpeller la hiérarchie
  • Un courrier du syndicat ou intersyndical peut être envoyé à la hiérarchie pour alerter et lui demander quelles mesures elle compte prendre. Modèle de courrier syndical ou intersyndical pour le premier degré (les demandes sont à adresser au rectorat pour le second degré) :[Date]
    À Monsieur le Directeur académique des services de l’Éducation nationale / Madame la Directrice académique des services de l’Éducation nationale
    DSDEN, [Adresse de la DSDEN]
    Monsieur le Directeur académique / Madame la Directrice Académique
    À compter de [date], une période de canicule est attendue dans [département]. La réalité des écoles est la suivante :
    De nombreuses écoles ont des baies vitrées susceptibles d’aggraver la chaleur dans les locaux, la plupart n’ayant ni rideaux occultants ni volets. Les ventilateurs sont rares.
    Les points d’eau sont insuffisants (exemple : 4 points d’eau pour 15° élève dans tel bâtiment).
    Les cours d’école sont rarement ombragées, leurs sols en bitume conservent la chaleur au fil des nuits.
    Nous vous alertons très fortement car des enseignant·es se trouveront dans l’incapacité d’assurer la sécurité physique de leurs élèves, et la santé d’enseignant·es pourrait elle-même être menacée. Quelles consignes claires et quels moyens très concrets donnez-vous aux écoles pour affronter les jours qui viennent ? Plus particulièrement, quelle prévention avez-vous prévu pour tous les enfants et les adultes fragiles (PAI, asthme, femmes enceintes, etc.) ? Nous vous rappelons également qu’un épisode caniculaire s’accompagne très souvent de pics de pollution.
    Quels échanges avez-vous eu avec les municipalités pour anticiper cette situation : livraison de packs d’eau, de ventilateurs, de brumisateurs ? Mise à disposition de tonnelles dans les cours non ombragées, de piscines transportables ? Recensement et propositions de lieux d’accueil dans des espaces plus frais à proximité de certaines écoles (théâtre, salle municipale…) ? A-t-il été prévu que les IEN anticipent et interpellent les partenaires ? Enfin, des enseignant·es seront vraisemblablement contraint·es de garder leurs propres enfants en cas de fermeture de crèches, ce qui conduira les enseignant·es en poste à accueillir plus d’élèves encore dans leur classe. Nous refusons que les équipes se retrouvent seules à gérer les situations difficiles qui se présenteront.
    Nous vous demandons donc [revendications].
    Veuillez croire, Monsieur le Directeur académique / Madame la Directrice académique, en notre engagement pour le service public d’éducation.
    Signature(s)

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