Tract fédéral
Testé depuis 2 ans, d’abord dans 2, puis dans 16 départements, le logiciel de remplacement Andjaro, conçu par une start-up privée, vise à être généralisé à la rentrée scolaire 2023 sur tout le territoire avec un premier test sur un département par académie dès octobre 2023.
Le choix de la privatisation
Pour faire face à la crise du remplacement dans les écoles et pour « optimiser » les remplaçant·es disponibles, l’Éducation nationale fait le choix de miser sur un nouveau logiciel de gestion développé par une start-up : Andjaro. Ce logiciel initialement destiné au management des remplacements dans les entreprises est déjà utilisé par l’Éducation nationale depuis 2021 dans plusieurs départements pilotes.
Plutôt que de recruter, le ministère cherche donc à « optimiser la ressource humaine ». Pour SUD éducation, le problème n’est pas la gestion des personnels mais bien le manque de moyens humains c’est-à-dire le manque de personnels enseignants et administratifs.
Le ministère de l’Éducation nationale fait le choix de payer une start-up privée à défaut d’embaucher du personnel. Il s’agit encore et toujours d’appliquer le mode de gestion des entreprises au service public et d’externaliser le développement des outils.
Ce choix ne peut que mener à la suppression d’emplois administratifs, ainsi qu’à une dégradation des conditions de travail des titulaires remplaçant·es, déjà mises à mal pour assurer une gestion efficace du remplacement.
Andjaro qu’est-ce que c’est ?
C’est une suite d’outils :
- une application pour smartphone qu’il est demandé aux remplaçant·es d’installer, sur leur téléphone personnel (ce n’est pas une obligation et SUD éducation appelle les remplaçant·es à ne pas installer cette application sur leur téléphone personnel) ;
- un logiciel de « gestion » utilisé par les services du remplacement pour affecter automatiquement les remplaçant·es, selon des critères inconnus et opaques ;
- un espace accessible aux directions d’école qui peut poser un problème de confidentialité des données personnelles des agent·es, notamment sur le motif de l’arrêt.
Concrètement ça marche comment ?
- Le secrétariat de circonscription (ou la cellule remplacement centralisée à la DSDEN) est informé d’une absence dans une école, qu’il saisit dans l’application de gestion.
Andjaro propose la liste des remplaçant·es disponibles. - Le secrétariat de circonscription (ou la cellule remplacement centralisée) choisit dans la liste ou saisit des modifications.
- Le ou la remplaçant·e reçoit son affectation par mail sur sa boîte professionnelle, par SMS, ou sur l’application (téléchargée sur son téléphone portable), avec le lieu, le niveau de classe, le nombre d’élèves et quelquefois le temps de trajet jusqu’au lieu de son remplacement (suivant les transports utilisés),…
- La direction de l’école de rattachement, ainsi que celle qui a besoin d’un·e remplaçant·e, reçoivent un message sur la boîte de l’école.
Dans les départements qui ont déjà testé l’application Andjaro, le choix a été laissé aux collègues d’être contacté·es via leur adresse professionnelle, un SMS ou l’application téléchargée sur leur téléphone portable personnel.
SUD éducation tient à rappeler qu’il n’y a aucune obligation de communiquer son numéro de téléphone ou son mail personnel à l’administration (et encore moins à une plateforme privée), seule l’adresse postale est obligatoire. D’ailleurs, nous ne sommes pas obligé·es d’avoir un smartphone, ni un téléphone portable ! Les collègues remplaçant·es peuvent être contacté·es via leurs outils professionnels (boîte mail, téléphone de l’école).
SUD éducation appelle tous·tes les enseignant·es à demander, par simple mail à leur gestionnaire, de retirer leur numéro de téléphone s’il est sur I-PROF. Le numéro de téléphone est une donnée personnelle qui n’est pas indispensable.
Concernant l’adresse professionnelle, elle est la propriété de l’Éducation nationale, nous déconseillons même de transférer les mails reçus sur cette boite professionnelle sur les boites personnelles car de fait, elle enregistre l’adresse personnelle.
Quels en sont les dangers ?
La déshumanisation
L’Éducation nationale rentre ainsi, au même titre que différents services publics, dans la déshumanisation de la gestion de ses personnels. Il n’y aura plus de personnel compétent au sein des circonscriptions ou des DSDEN, qui connaissent les agent·es et le territoire, mais tout se fera désormais via une interface.
Le management
Cette gestion « en temps et en heure », à flux immédiat, sera à court terme un automatisme pour les personnels, une énième pierre à l’édifice de la réponse immédiate et de la disponibilité permanente via le téléphone portable. C’est le mode de management qui ne voit les personnels que comme du « flux », et veut éliminer le « stock ». Toute compétence ou appétence, toute capacité professionnelle des enseignant·es remplacant·es n’a pas de place ici. C’est la gestion à flux tendu, le tristement célèbre lean management qui a déjà détruit les agent·es de France Télécom (Orange) et La Poste, qui est maintenant à l’œuvre dans l’éducation nationale.
La numérisation
Les remplaçant·es devront cliquer pour valider leur mission soit sur le mail envoyé par la plateforme sur la boite professionnelle, soit sur le SMS envoyé par la plateforme sur le téléphone personnel, soit sur l’application téléchargeable. SUD éducation appelle les remplaçant·es à refuser d’installer l’application sur leur téléphone personnel, et à faire valoir leur droit à la déconnexion en dehors des horaires de travail.
Le contrôle et la surveillance
Andjaro renforce encore le poids des directions d’école, avec un outil de contrôle et de surveillance sans précédent.
Enfin, n’ayant aucun accès au code source, nous n’avons aucune assurance qu’il n’y ait pas des données de géolocalisation qui soient collectées et/ou transmises (« tracking » GPS) et nous ne pouvons pas être assuré·es que nos données personnelles ne seront pas utilisé·es à d’autres fins par cette entreprise privée.
À terme, n’est-ce pas là le cheval de Troie d’une « ubérisation » des remplacements dans le premier degré ?
Privatisation de missions de services publics, déshumanisation de la gestion des remplacements, destruction d’emplois administratifs, détérioration des conditions de travail, utilisation de matériel personnel dans le cadre professionnel… Pour toutes ces raisons, SUD éducation appelle les personnels du premier degré à boycotter cette application sur leur téléphone personnel et à ne prendre en compte que les affectations reçues sur leur e-mail professionnel.
Le problème du remplacement ne pourra pas être enrayé par l’utilisation d’une application. SUD éducation revendique le recrutement de personnels enseignants et administratifs, c’est à cette seule condition que la crise du remplacement pourra être endiguée.