En tant que CPE nous sommes de plus en plus amenés à remplir des missions normalement sous la responsabilité des équipes de direction : recrutement des Assed, délégation de signature, présidence de conseils de classe, pilotage de réunions. Pourtant nos missions comme elles sont spécifiées dans la Circulaire n82-482 du 28 octobre 1982, ne nous y obligent pas. Nous ne sommes pas des personnels de direction, nous n’en avons ni le statut, ni le salaire, ni la responsabilité.
Notre évolution de carrière « naturelle » n’est pas non plus de passer le concours de chef-fe d’établissement. Nous sommes des personnels éducatifs et à ce titre nous sommes plus proches de l’équipe enseignante que de la direction.
Nos missions éducatives sont par ailleurs de plus en plus difficiles à remplir, du fait de la précarité des équipes de vie scolaire, de leur manque de formation, des sous-effectifs chroniques. Le suivi individuel des élèves, la mise en place d’activités éducatives, la concertation avec les différentes catégories de personnels des établissements… ne peuvent être menés correctement dans les conditions dans lesquelles nous travaillons. Cela nous pousse à rentrer dans des logiques de surveillance et de gestion des masses et les premier-e-s à subir les conséquences sont les élèves.
Partant du constat qu’un établissement ne peut pas avoir un fonctionnement normal au service de la réussite des élèves si nous ne pouvons pas mener à bien nos missions éducatives, nous nous devons d’exiger les moyens humains dont nous avons besoin pour les remplir. Nous devons pour les mêmes raisons refuser de prendre en charge les missions de direction qu’on tente de nous imposer peu à peu.
Une équipe de direction élargie ?
Les CPE sont assimilé-e-s à ce que l’administration appelle « l’équipe de direction élargie ». Cette assimilation va jusqu’aux inspecteurs qui sont les mêmes que pour les chef-fe-s d’établissements, ce qui ne manque pas de créer des conflits d’intérêt. Il n’y a pourtant aucune obligation légale à se considérer comme tel. Les CPE sont des personnels éducatifs et peuvent s’opposer aux chef-fe-s d’établissement comme n’importe quel personnel. Ils et elles peuvent avoir des positions publiques qui vont à l’encontre de la direction, refuser d’obéir à des consignes qui vont contre leurs attributions.
La participation aux réunions de direction n’est pas une obligation. Elle entre dans la logique du rapprochement des CPE et des chef-fe-s d’établissement. Dans la pratique il est difficile de ne pas y assister quand presque tous les collègues le font, et c’est un usage qui fait maintenant partie du métier. Mais en cas de conflit, de relations hiérarchiques tendues, de positionnement problématique de la direction, il est important de garder en tête qu’elle ne peut pas nous imposer d’y participer.
Refuser ce qui n’est pas de notre ressort
Il arrive souvent qu’on demande aux CPE de prendre en charge des missions qu’ils n’ont pas à assurer : pilotage du conseil de la vie lycéenne ou collégienne, du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, de groupes de travail dans l’établissement, rôle de référent « décrochage scolaire ». Rien n’indique que ce sont à eux et elles d’assurer ces tâches, qui peuvent être confiées à n’importe quel personnel éducatif volontaire.
La présidence des conseils de classe quant à elle est de la responsabilité des personnels de direction. Accepter de la prendre en charge place les CPE hors de leur rôle d’éducateur-trice et les coupe de l’équipe enseignante.
Enfin, la gestion des absences des professeur-e-s ne peut en aucun cas leur être confiée. C’est au chef-fe d’établissement de vérifier la présence ou l’absence des personnels. Aucune de ces missions ne peut être imposée aux CPE, il est donc toujours possible de les refuser.
La délégation de signature ? Non merci !
Les chef-fe-s d’établissement peuvent être amené-e-s à faire des délégations de signature à d’autres personnels pour se décharger d’une partie de leur travail. Sachez que si les adjoint-e-s et gestionnaires doivent l’accepter, rien ne n’y oblige les CPE. Accepter c’est endosser une responsabilité qui n’est pas la notre, pour laquelle nous n’avons ni le statut ni le salaire. (Code de l’éducation article R421-13)
Le recrutement des AED et la gestion de l’équipe de vie scolaire
Le recrutement des assistant-e-s d’éducation est de la responsabilité du ou de la chef-fe d’établissement, pourtant ce sont presque toujours les CPE qui le prennent en charge. Du fait de la précarité de ces personnels cela représente une charge de travail importante pour laquelle il n’y a que très peu d’aide de la part l’administration : entretiens, rédaction des contrats, gestion des fins de contrat, formation des nouveaux et nouvelles arrivant-e-s etc. Encore une fois, les CPE se retrouvent obligés d’assumer les insuffisances de l’institution. De plus, la pénurie de personnel et le manque de postes d’assistant-e-s d’éducation entraîne une gestion à flux tendu des équipes et des relations de travail souvent tendues qui ne vont pas dans l’intérêt du service et des personnels.
Il n’y a aucune raison pour que les assistants d’éducation soient les seuls personnels des établissements à être encadrés par des personnels ne faisant pas partie de la direction. Cette situation doit changer, les chefs d’établissements doivent prendre leurs responsabilités.
L’organisation du travail des assistant-e-s d’éducation doit par ailleurs pouvoir se faire en équipe de vie scolaire. Cela passe par l’organisation de réunions régulières entre CPE et Assed et exige donc d’avoir des moyens humains suffisants pour dégager ce temps. Le recrutement de personnels supplémentaires est donc indispensable pour contrer la logique managériale qui est à l’oeuvre actuellement.
Le temps de service et les heures supplémentaires
Le temps de travail des CPE est de 35 heures hebdomadaires en établissement. Ils et elles sont pourtant nombreux-ses à en faire bien plus : pour parvenir à assurer leurs missions éducatives auprès des élèves, pour participer aux réunions, aux concertations avec les équipes enseignantes et les personnels médico-sociaux, pour participer aux conseils de classe… Chaque heure effectuée en plus des 35 heures hebdomadaires en établissement doit être rattrapée. C’est un droit et il faut le faire appliquer. Si ces 35 heures de travail ne sont pas suffisantes, c’est tout simplement qu’il n’y a pas assez de CPE et qu’il faut créer des postes : ce n’est pas aux personnels d’assumer les insuffisances de l’administration ! Enfin, le paiement d’éventuelles heures de vacation ou d’accompagnement éducatif ne peut en aucun cas compenser cette situation, ni les 4 heures de travail autonome qui n’ont pas vocation à être utilisées pour remplir ces missions.
Le droit syndical
Les CPE comme tous les personnels ont le droit de faire grève et de participer aux heures mensuelles d’information syndicale. Ce n’est pas à eux et elles, ni aux assistant-e-s d’éducation de prendre en charge la surveillance des élèves dans ces situations, mais à la direction de prendre ses responsabilités. Si l’encadrement ne peut être assuré dans de bonnes conditions le ou la chef-fe d’établissement peut prendre la décision de fermer l’établissement.
Les CPE peuvent également avoir une activité syndicale assumée dans l’établissement mais il faut cependant veiller à ne pas se retrouver isolé-e. L’évolution du métier et le rapprochement avec la direction peuvent rendre difficile l’exercice de ce droit et mettre en difficulté les collègues qui s’y engagent. Cette situation ne doit pourtant en aucun cas empêcher un personnel d’avoir une activité syndicale : en cas de difficulté il ne faut pas hésiter à demander le soutien des autres personnels, et à demander l’intervention de représentant-e-s syndicaux extérieurs à l’établissement.
Le conseil d’administration
La situation des CPE vis à vis du conseil d’administration est particulière : à la fois membre de droit et électeur-trice/éligible. Un-e CPE par établissement (souvent le ou la plus ancien-ne) est membre de droit, mais les autres peuvent se présenter à l’élection sur les mêmes listes que les enseignant-e-s et les Assed. Ainsi dans les établissements où il y a plusieurs CPE, il peut y avoir un-e élu-e en plus du membre de droit. Ce membre de droit n’a par ailleurs aucune obligation à voter comme la direction, ses seules contraintes sont de veiller à la légalité de ce qui est voté et d’expliquer à la direction les raisons de son vote dans le cadre du « devoir de loyauté ».
Un texte de Sud Éducation 93 publié en mars 2015