Réouverture des écoles le 11 mai : Nous n’accepterons aucune mise en danger des personnels, des élèves et de leurs familles

Il y a un mois, les établissements scolaires ont été précipitamment fermés en raison d’un risque de transmission accru au contact des jeunes. Alors qu’on nous répète tous les jours que l’épidémie est loin d’être terminée, Macron et Blanquer prétendent aujourd’hui que tout pourrait être prêt pour rentrer dans un mois. Sans concertations ni garanties, ces annonces ne font que légitimement inquiéter un peu plus les personnels et les parents car pour celles et ceux qui connaissent un tant soit peu nos métiers, il est clair que rien ne laisse présager qu’une rentrée puisse s’opérer en toute sécurité. C’est d’ailleurs l’avis de l’INSERM ainsi que de l’ordre des médecins qui dénonce « un manque absolu de logique ».

Des conditions sanitaires ingérables

À l’image de la mise en place de la « continuité pédagogique », nous constatons qu’une fois encore, des annonces ont été faites sans aucune forme de préparation en amont.
En ce qui concerne les conditions sanitaires, les approximations du ministre mettent à nouveau à rude épreuve la santé psychologique de collègues mis au pied du mur. Comment pourrait-il en être autrement alors que l’accueil des enfants de soignant-e-s n’a pas toujours rassemblé les conditions de protection minimales ? Le ministre serait maintenant prêt à faire rentrer 13 millions d’enfants et personnels d’ici un mois  ?

Dans le Val d’Oise, on compte un peu plus de 284 000 élèves et environ 20 000 personnels. En admettant, par une hypothèse au rabais, que chaque personnel pourrait bénéficier de 3 masques par jour, et que chaque élève en ait 4 (possibilité de pertes, dégradations, rupture des gestes barrières etc.), on pourrait chiffrer à 1 200 000 le besoin journalier en masques pour le département.
Qui osera nous faire croire que cela sera possible d’ici un mois alors que nos camarades soignant-e-s se protègent encore avec des sacs poubelles ?

Si la présence de masques nous semble être un préalable indispensable à la reprise du travail, nous nous interrogeons tout de même sur la capacité des enseignant-e-s à assurer des cours et à se faire comprendre la bouche recouverte de tissu. De plus, et comme chaque année, nous constaterons rapidement des températures indécentes dans certains établissements.

Au-delà de la question des masques, il faudrait envisager un équipement en gel hydroalcoolique dans chaque classe, le nécessaire pour désinfecter les tables, ordinateurs, poignées de portes et s’assurer d’un lavage de mains régulier des élèves, tout cela dans des établissements accueillant parfois plus de 2000 élèves, et qui peuvent être mal équipés en points d’eau voire en savon !

La question du respect des gestes barrières par les élèves laisse également songeur. Mis à part Blanquer qui souhaite en faire un exercice d’éducation morale (avec un droit à l’erreur sanctionné par une potentielle contamination), qui peut décemment prétendre que cela pourra se faire avec les petit-e-s ? Il faudrait également n’avoir jamais croisé un-e collégien-ne pour penser qu’il n’y aura aucun contact entre des élèves, ne serait-ce qu’aux intercours.

Comment les AESH feront-elles pour aider leurs élèves à 1m de distance ? Et les AP/AED ? Quid de l’EPS et des vestiaires ? Du prêt de documents au CDI ou à la BCD ? De la circulation dans des couloirs parfois exigus ? De la cantine ? Du nettoyage des locaux par les ATTEE ? etc.

Enfin, il nous paraît également particulièrement cruel de mettre des enfants en situation de porter la responsabilité de ramener le virus le soir en rentrant à la maison.

Une organisation impossible…

Blanquer évoque une reprise échelonnée et promet qu’aucune classe ne sera « bondée ». Pour notre part, si nous nous félicitons que le ministre reconnaisse enfin que cela puisse être le cas, nous ne voyons pas comment pourraient être assurés des cours, même en groupes, alors que certaines classes culminent déjà à plus de 35 élèves. Nous le savons, cette question des effectifs ne sera pas non plus réglée en septembre alors que le risque sanitaire sera probablement toujours présent.

Concrètement donc, ces annonces interrogent plus qu’autre chose : Blanquer propose un appui du périscolaire et des roulements réguliers pour assurer de petits groupes. Quelle égalité entre les communes dans ces conditions ? Comment gérer ces emplois du temps alors qu’il faut déjà plusieurs semaines à chaque rentrée pour pouvoir les stabiliser ? Quel contenu pour ces « cours » ? Qu’adviendrait-il des élèves décrocheurs/euses ? Qu’en sera-t-il des classes à examens ? Du contrôle continu ? Etc.

Dans la classe, les aléas du quotidien ne se résoudront pas non plus par magie : élèves sans matériel, échanges de supports potentiellement infectés, corrections et donc transport de cahiers à la maison… Quid de la gestion d’éventuels conflits violents qui entraîneraient des contacts entre élèves ?

Ce que révèle donc immédiatement la plus élémentaire confrontation au réel, c’est que notre hiérarchie méconnaît parfaitement nos métiers et qu’elle entend manifestement généraliser les mêmes conditions dégradées que pour l’accueil des enfants de soignant-e-s.

… qui incombera une fois encore aux personnels

Ce qui nous inquiète également sur tous ces points, c’est qu’au-delà des grandes déclarations, le ministère semble ne pas avoir de réponse à ces questions concrètes. Et en temps normal déjà, lorsque le ministère ne sait pas, il presse la base de trouver des solutions sous couvert de « co-construction » et d’autonomie pour faire porter la charge mentale et l’organisation du travail aux équipes sur le terrain.

Généralement, la culpabilisation et la volonté d’épargner les élèves finit de faire taire les derniers/ères personnels qui s’aviseraient de critiquer ce jeu truqué consistant à demander aux agent-e-s de trouver d’ingénieux palliatifs aux manquements de l’État (c’est que l’on appelle couramment « l’innovation »).

On le sait, ces mêmes personnels qui ont été prévenus d’une reprise par voie médiatique seront celles et ceux qui paieront les pots cassés. Ce seront celles et ceux qui devront gérer l’incurie et prendre la responsabilité du déclenchement d’une nouvelle vague de contamination au péril de leur propre santé et de celle de leurs élèves.

La santé avant les profits

Pour nous, les effets d’annonces et la pression du MEDEF ont ainsi primé sur le bon sens et la sécurité de la communauté éducative. En effet, la raison de cette réouverture nous semble limpide : obliger les derniers/ères travailleurs/euses qui ne seraient pas déjà en poste à retourner produire pour maintenir les bénéfices des entreprises.

Il n’est pour nous pas tolérable que cela prime sur la sécurité de toutes et tous.

Au-delà du sentiment que l’Education Nationale en était réduite à devenir une garderie d’entreprise, nous condamnons l’instrumentalisation du sort des plus précaires pour justifier cette réouverture.

Alors que les moyens baissent en dépit de hausses d’effectifs (notamment en zones prioritaires), que les services publics sont quasi absents de certains quartiers et que leurs habitant-e-s sont abandonné-e-s à la pauvreté et à l’acharnement policier, nous dénions au Ministre le droit de se prévaloir ici d’un souci pour les quartiers populaires.

Pour Sud éducation 95, il est donc hors de question de participer à la propagation du virus chez les personnels et de mettre en danger les enfants et leurs familles.

Nous refuserons de compliquer davantage le travail de nos camarades soignant-e-s en fermant les yeux sur les conséquences de cette reprise qui pourrait surcharger davantage les services de réanimation.

Si les conditions de sécurité sanitaires ne sont pas réunies le jour J, nous prendrons nos responsabilités et nous appellerons les personnels à faire usage de leur droit de retrait.

Sud éducation 95 exige en préalable à toute reprise :

► Le dépistage systématique et régulier de tou-te-s les personnels et élèves par tests sérologiques

► La garantie pour les personnels à risque en raison de leur pathologie de pouvoir rester chez eux/elles

► Un plan de suivi sanitaire rapproché des personnels et des élèves, et à court terme la constitution d’une médecine de prévention en mesure d’assurer une partie de ces missions ;

► La mise à disposition du matériel de protection nécessaire pour tou-te-s les personnels et les élèves (masques, gels hydro-alcooliques) et la désinfection régulière des locaux dans des conditions maximales de sécurité pour les agent-e-s ;

► L’octroi de moyens supplémentaires dès la réouverture des classes pour permettre une baisse des effectifs à même de garantir la distanciation sociale dans les salles de classe.

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